Lee Miller : l’histoire d’un destin

La vie n’est qu’une histoire de rencontres, le talent qui nous appartient, dans ces moments éphémères est de les transformer pour s’écrire un destin… Cela s’applique bien à Lee Miller qui a su saisir toutes les opportunités et c’est pour cela que je ne vais pas m’épancher sur sa biographie et en venir à sa destinée.

Le travail du photographe me semble est de s’oublier pour mettre en avant sa pensée, son sentiment sur les évènements, s’engager en résumé… En cela, la photo de Lee Miller, à la fin du mois d’août 1945 reflète bien ce sentiment : ce n’est pas une photo qu’elle a prise, mais une photo sur laquelle elle se trouve. En effet, elle se met en scène dans une baignoire, mais pas n’importe laquelle, celle d’Hitler, appartement auquel elle a eu accès de son retour des camps de Dachau. Cette photo est prise par son ami David Sherman, photographe de guerre comme elle. La complexité du message de la mise en scène de la photo mérite d’être détaillée : la baignoire est celle d’Hitler sur laquelle elle a positionné une photo officielle du personnage, sur la droite est positionné une statue représentant l’image d’une représentation féminine idéale du régime mazi. Mais le plus signifiant est la présence de ses bottes maculées de boue. Cette boue qui ne vient pas de nulle part sur ses chaussures, mais du camp de concentration de Dachau, qu’elle vient de découvrir, dont elle vient de prendre des photos horribles, tandis qu’Hitler mettait fin à ses jours dans son bunker à Berlin.

Après, d’où vient elle, peu importe… Son histoire est une histoire de rencontres, de “culot” et de volonté.

Première rencontre : Condé Nast, le célèbre éditeur de magazines. Il l’a sauvée d’un accident de circulation et, impressionné par sa beauté, l’introduit dans le monde du manequinat et ainsi elle travaille rapidement pour Vogue. Après cette expérience new-yorkaise Lee Miller décide de passer de l’autre côté de l’objectif : “je préfère prendre une photo qu’en être une”. C’est un tournant dans sa vie et elle démarre une carrière de photographe.

Deuxième rencontre : Man Ray, en 1929, qui a 17 ans de plus qu’elle est qui est déjà une figure influente du mouvement surréaliste. Man Ray ne prend pas d’étudiants pour étudier la photographie, par en vacances à Biarritz. Peut importe Lee lui répond “moi aussi je pars avec vous”… son charme agit, elle devient son apprentie et sa maitresse, sa muse.

Troisième rencontre : sa rencontre avec Aziz Eloui Bey, en 1934, riche fonctionnaire égyptien qui l’embarque au Caire et qui n’a pas un rôle majeur à mon sens, même si il lui permet de prendre du recul avec la photographie et se révèle comme un point de bascule dans sa vie pour vraiment embrasser le métier de photographe. Mais pas n’importe lequel…

Quatrième rencontre : Audrey Withers, rédactrice en chef de Vogue, avec laquelle Lee Miller a développé une relation étroite au début de la seconde guerre mondiale en la mandatant “journaliste de guerre” pour le journal auprès de l’armée américaine. Cette relation a définitivement changé l’image de Vogue, faisant passer le magazine de luxe à une source d’information sérieuse, ce qui propulsa Vogue dans une ère moderne. Audrey Withers a pris des décisions très différentes de la ligne éditoriale de Vogue en publiant des photos choquantes des camps de concentration prises par Lee Miller. Ainsi, elle a contribué à créditer le rôle de Lee Miller en tant que journaliste de guerre et a ouvert la voie à d’autres femmes.

Sa découverte des camps de concentration restera pour elle un choc qu’elle n’a pu dépasser.

À la fin de la guerre, Lee Miller poursuit sa collaboration avec Vogue, couvrant la mode et les célébrités. Probablement atteinte de ce qu’on nomme désormais stress post-traumatique, les atrocités dont elle fut témoin en Allemagne la hantent et la précipitent dans la dépression et l’alcoolisme. En 1947, elle rentre en Grande-Bretagne, où elle s’installe dans la campagne anglaise avec Roland Penrose, où elle vivra jusqu’à la fin de sa vie. Mais elle entame alors le dernier chapitre de sa vie. Elle se marie et donne naissance à un fils, produit quelques photos, puis le silence… La photographie n’est alors presque plus qu’un souvenir, une passade qu’elle évoque peu, sinon qu’elle minimise. Si elle fait parler d’elle dans les magazines, c’est pour sa nouvelle passion, la cuisine. Elle meurt d’un cancer en 1977. Son fils, Anthony Penrose, a fondé les archives Lee Miller dans le Sussex et a publié plusieurs livres sur la vie et l’œuvre de sa mère. Les archives de Lee Miller sont visibles ici : http://www.leemiller.co.uk/