ERNEST PIGNON-ERNEST EN 10 OEUVRES

SERIE STREET ART

Street artist malgré lui, Ernest Pignon-Ernest déteste le terme Street Art, pourtant il collait ses images dans les rues dès les années 70, bien avant Banksy ! Le pionnier du Street Art sera donc le premier de notre série.

Né le 8 novembre 1942 à Nice, il vit et travaille aujourd’hui à Paris. Ernest Pignon-Ernest est un artiste engagé et militant. Son objectif est de réveiller les consciences collectives, dans des lieux choisis, sur des évènements politiques liés à ces lieux et à leur histoire.

«Je travaille sur les villes, ce sont mon vrai matériau, je m’en saisi pour leurs formes, leurs couleurs, mais aussi pour ce qu’on ne voit pas ; leur passé ou leurs souvenirs qui les hante »                  Ernest Pignon Ernest

Avec Yvette, sa femme, il s’installe dans le Vaucluse pour se consacrer entièrement à la peinture. Il apprend l’installation de la base militaire du Plateau d’Albion. Le thème s’impose immédiatement à lui. Pour mieux appréhender ce que représentait cette menace nucléaire enfouie dans le sous-sol provençal, il se met en quête de documentation sur Hiroshima. Il découvre une photo sur laquelle on voit un éclair nucléaire qui a brulé un mur, décomposant un passant dont il ne reste que la silhouette, comme pyrogravée sur la paroi. Cette première œuvre est à l’origine de toute sa démarche. A partir de ce moment il n’aura de cesse de porter une emprunte, une image emblématique du moment de l’Histoire où l’intervention humaine pouvait détruire des hommes mais aussi menacer l’humanité entière.

A l’origine on propose à Ernest Pignon Ernest une exposition sur le thème de la Semaine sanglante de la Commune. En préparant ce projet il découvre l’ampleur des espoirs et des utopies qu’avait levés cette première révolution populaire qui devait se terminer par un effroyable carnage. Il imprime 1000 sérigraphies de gisant qu’il colle sur les marches du Sacré Coeur pour commémorer le sanglant historique de la Commune de Paris en 1871. “Il fallait témoigner au ras du sol, réinvestir les lieux chargés d’histoire, dire la permanence des répressions de tous ordres”.

L’artiste s’oppose au jumelage de sa ville avec la ville du Cap en Afrique du Sud, alors capitale du racisme institutionnalisé. Sur le parcours des « festivités » qui célébraient ce rapprochement, l’artiste a collé des centaines d’images d’une famille noire parquée derrière les barbelés, « le cortège des absents ».

En 1975, l’artiste s’engage au côté du MLF pour dénoncer la campagne réactionnaire contre l’avortement dont le projet de loi était alors débattu à l’Assemblée Nationale par Simone Veil. A l’époque une campagne d’affichage particulièrement réactionnaire, illustrée par un fœtus, proclamait « l’avortement tue ». Ernest Pignon-Ernest a imaginé de retourner le slogan « oui l’avortement tue, mais d’abord des femmes ».

Cette œuvre fait particulièrement échos aux évènements contemporains avec l’expulsions de migrants. A l’origine de cette œuvre il y a deux choses. L’expulsion des parents d’Ernest Pignon-Ernest de leur logement à Nice, où il avait passé son enfance. D’autre part, durant cette période de 1975 à 1980, les nombreuses rénovations dans Paris. L’artiste est bouleversé par ces immeubles éventrés, cette mise à nu, cette projection aux yeux de tous de toutes les traces de l’intimité de la vie des gens. “Cette exhibition me semblait d’une grande violence, comparable à un viol”.

Les affiches sont placardées dans les lieux où Rimbaud avait circulé à Paris, elles semblent faire partie du mur. Elles ont été à l’époque très relayées par la presse. Cette image du poète a une longue histoire pour Ernest Pignon-Ernest. Depuis son adolescence il a cycliquement tenté de faire un portrait de Rimbaud sans y parvenir. L’image est imprimée en sérigraphie, en noir, simplement sur un papier très ordinaire, du papier journal récupéré des chutes de rouleaux des rotatives. On perçoit immédiatement ainsi le caractère éphémère et fragile du dessin.

A Martigues, au milieu de complexes sidérurgiques et pétroliers, surgit l’image de Prométhée, voleur de feu. L’artiste, qui s’est inspiré d’une photo étonnante de l’atomiste Oppenheimer sautant, fait le parallèle avec le feu et le nucléaire. L’image peut aussi bien se lire comme une chute que comme un envol.

Cette série de 80 sérigraphies a été réalisée à Naples par Ernest Pignon-Ernest entre 1988 et 1995. La plupart de ses œuvres s’inspirent de Caravage, sur le thème de la mort. Pour l’artiste, trois paramètres vont déterminer l’accrochage de ses œuvres. La lumière doit être compatible avec celle de son dessin d’origine. Pour “épidémie” les deux personnages s’engouffrent dans un passage sombre, le noir semble les aspirer dans le mur. Le sol : Ernest Pignon-Ernest choisi uniquement des murs devant lesquels le sol est recouvert de grandes dalles noires. Ces dalles font partie de l’histoire de Naples, elles sont réalisées avec de la lave du Vésuve, volcan tout proche dont la menace pèse sur la ville depuis des siècles. Pour que l’oeuvre s’intègre dans la ville, l’artiste utilise des détails de l’architecture.

Après la révolte de Soweto du 16 juin 1976, manifestation d’écoliers et de lycéens noirs réprimée dans le sang par la police blanche de l’apartheid, Ernest Pignon-Ernest reprend la photo d’un jeune adolescent dans les bras d’un homme et la transforme. Le mourant n’est pas une victime des manifestations mais un mourant du sida. “Les mères sont les pieta contemporaines qui nous regardent et accusent le monde de leur tragédie.”

En 2015, il rend hommage à Pasolini avec une mise en abyme du poète et réalisateur très controversé à l’époque et assassiné en 1975. Pasolini est installé à Certaldo, lieu d’origine du Décameron, qui lui a inspiré la plus belle facette de sa Trilogie de la vie. C’est un déclencheur pour Ernest Pignon-Ernest qui exprime par cette image toute la palette pasolinienne : le Décameron, c’est le sexe, l’amour, le corps, le peuple et la mort. Son oeuvre et la persécution dont il fut victime s’apparente emblématiquement à celle d’un martyre de son époque.