AI WEI WEI

Sa vie est une oeuvre – son oeuvre est sa vie…

Weiwei avait-il un destin prédestiné ? Né en 1957 d’un père artiste poète, répudié par le régime pendant la révolution culturelle, condamné à 20 ans d’exil et élevé dans un camp de travail en mandchourie… on comprend mieux son activisme contre le régime chinois et ses engagements liés aux inégalités de notre société. Les oeuvres de l’artiste chinois reflètent principalement son désaccord et sa désobéissance, concernant la position du gouvernement chinois sur la démocratie et ses violations des droits de l’homme, et plus récemment sur les questions liées aux réfugiés syriens . En raison de la position vulnérable dans laquelle son attitude franche le place, Ai Weiwei est visé par les autorités chinoises et il a été confronté à de nombreux problèmes dans le passé. Il a subi la destruction de son studio de création, une interdiction de quitter le territoire, une détention. Il a récupéré son passeport dont il était privé depuis 2011 et est maintenant autorisé à voyager hors du pays. Instagram et Twitter sont pour lui des armes contestataires permettant de concilier le temps long pour la création de ses oeuvres et le temps court pour réagir en direct à l’actualité.

SON COMBAT POUR LA MEMOIRE

Depuis 1995, Weiwei continue sa série de photographies “Study of perspective”, les fameux doigts d’honneur en POV adressés aux monuments symboles des états. Le gouvernement chinois n’y échappe pas, avec la série de photos prises sur la place Tian’anmen, lieu de la répression dans le sang des révoltes estudiantines de 1989 par le Parti, un sujet encore tabou à ce jour. Un an avant, Ai Weiwei y avait déjà pris un cliché inspiré de celui de Marilyn Monroe et sa jupe soufflée en l’air, pris sur fond du portrait de Mao sur la place. Le combat pour la mémoire est toujours d’actualité, puisqu’en 2009, 20e anniversaire de la répression du soulèvement, il met en ligne sur Twitter un poème commémoratif.

Parmi les causes directes de l’appel au boycott par l’artiste des JO de 2008, il y a la décision du gouvernement chinois de taire le nom des quelque 5 000 écoliers victimes de la catastrophe du Sichuan, un tremblement de terre meurtrier survenu le 12 mai 2008, affectant en majeure partie les écoles bâties à la sauvette dans une région largement corrompue. “J’avais pensé à une œuvre artistique en hommage aux victimes. Puis j’ai décidé de changer de registre. M’entendre dire qu’une liste d’enfants morts est ‘secret d’État’ était insupportable.Au terme d’une longue enquête auprès des cadres locaux, il retrouve les familles des victimes et recueille les noms, puis dresse une liste encore visible en ligne sur son site. Ensuite il crée un an après le projet “Remembering” : il couvre la façade du Musée Haus der Kunst, à Munich, avec une phrase de la mère d’une victime : “Tout ce que je veux, c’est que le monde se souvienne qu’elle vivait heureuse depuis sept ans.” Le combat porte ses fruits : un an après, en septembre 2009 Pékin ployait et officialisait à son tour le nombre des victimes.

SON ENGAGEMENT POUR LA CAUSE DES MIGRANTS

En 2016, cinq mois après la diffusion de l’image de l’enfant syrien noyé dans la nuit du 2 septembre 2015, prise par le photographe Rohit Chawla (India Today), l’artiste chinois reprend la pose et fait polémique. Certaines critiques reprochent notamment à l’artiste de vouloir s’accaparer le devant de la scène. C’est sans connaître l’engagement que poursuit l’artiste depuis de nombreux mois, qu’il relaie notamment sur Instagram, via les #refugees #safepassage. Depuis fin décembre 2015, l’artiste documente au quotidien, en photos et vidéos, l’arrivée et la prise en charge des migrants qui affluent sur l’île grecque où il a installé son studio. En janvier lors d’une conférence de presse, il avait d’ailleurs exprimé son souhait d’édifier un mémorial en hommage aux milliers de personnes qui risquent leur vie pour fuir leurs pays. 


Pour ce projet, Weiwei a reçu le soutient des autorités de Lesbos en lui fournissant 14000 gilets de sauvetage usagés qu’il a mis en scène sur les piliers du Konzerthaus de Berlin. Cette installation met en lumière le problème urgent de la crise actuelle des réfugiés et rappelle au monde que plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe par voie maritime rien qu’en 2015 et que plus de 400 personnes ont péri.

L’exposition “Law of the Journey”, en 2017, à la National Gallery de Prague est une déclaration épique de l’artiste sur la condition humaine. Il y proclame ici son empathie et sa préoccupation morale face à la “crise humaine”. “Nous avons besoin de plus de tolérance, de compassion et de confiance les uns pour les autres puisque nous sommes tous un… Il n’y a pas de crise de réfugiés, mais seulement une crise humaine… En traitant les réfugiés, nous avons perdu nos valeurs fondamentales.”

SON COMBAT POUR LA LIBERTE D’EXPRESSION

En 2014, alors qu’il est toujours retenu en Chine, Weiwei demande à l’entreprise Lego de lui fournir des cubes pour une exposition. Après leur refus, il mobilise les réseaux sociaux pour organiser une collecte mondiale et parvient à concrétiser son projet. Par la suite il développera d’autres projets à travers le monde avec des Legos, au service de son militantisme politique.

SON COMBAT POUR UN NOUVEL ART CHINOIS

En explorant la relation tendue d’une Chine de plus en plus modernisée et son héritage culturel, Ai Weiwei a créé des oeuvres qui transforment irrévocablement des artefacts chinois vieux de plusieurs siècles. On le voit écraser une urne de la Dynastie Han vieille de 2000 ans, en décorer une autre avec le logo Coca-Cola, plonger des vases anciens dans de la peinture… Avec son projet “Zodiac heads – Circle of animals” il recrée les 12 sculptures traditionnelles du zodiaque chinois, pillées à Pékin pendant les guerres de l’opium. Avec les installations “Bang”, 886 tabourets traditionnels (traditionnellement transmis de génération en génération) et “Forever bicycle” il évoque la tradition perdue.

ZOOM SUR MON OEUVRE FAVORITE…

Weiwei réalise “Sunflower seeds”, graines de tournesol, pour la Tate modern de Londres 2010, composition de 100 millions de graines grandeur nature (150 tonnes), réalisées en porcelaine (cuites à 1300°) et peintes à la main par les artisans chinois de Jingdezhen (2 ans et demi de travail pour 1600 artisans, à partir du kaolin des montagnes voisines). Cette oeuvre constitue un paysage poétique visuel et sonore sur lequel les visiteurs se déplacent. En effet Weiwei avait encouragé les visiteurs à marcher sur les graines, considérant les sculptures fragiles comme une métaphore de la population.
Les graines de tournesol renvoient à deux évocations complémentaires : une phrase et une image de la propagande chinoise appelant les gens du peuple à se tourner comme des tournesols vers le soleil de Mao, et le partage humain chaleureux des graines de tournesol, repas de base durant cette même Révolution Culturelle (1966-1976), période de grande pauvreté et d’incertitude. Les graines uniques et massives, comme leur réalisation, sont les symboles des individus et de leur puissance collective. Ils renvoient également à l’image de la Chine, atelier à bas prix de production de masse pour le monde occidental.